
Chaque village d’une vallée du pays diois trouve une façon unique de s’adosser au Vercors, comme la jeune femme trouve son déhanché pour la photo souvenir, et le jeune homme trouve son froncement de sourcils pour paraître aussi sérieux qu’il aimerait en faire accroire à la jeune femme. De sorte que faire le trajet de Chatillon à Archiane, de Die à Romeyer, de Miscon à Boulc, de Lallet à Saint-Julien... en vélo par la route bitumée, à pied par les chemins forestiers, par les airs dans le sillage des vautours… produisent autant de portraits singuliers des visages du Diois, ce qu’il convient d’appeler des paysages. Or, les paysages prennent moins de place dans une valise que les vêtements, tandis que les lits, commodes, bibliothèques, tables, couvertures, vaisselle, ustensiles de cuisine, écrans d’ordinateur et autres objets avec ou sans âme qui encombrent mon intérieur “externe” (par opposition à mon intériorité), s’ils ne trouvent pas preneurs, prendront le chemin de la déchetterie d’où beaucoup proviennent car j’ai une passion pour les objets abandonnés, récupérés et de nouveau abandonnés. J’emmènerai donc plus de paysages de la Vallée de Quint que de vêtements, parce que la valise pour contenir les vallées s’appelle l’attachement, et pour les plus spectaculaires, la persistance rétinienne. Là-bas, de retour au village d’enfance, dans ma maison en bois sur pilotis, vide parce qu’elle vient d’être construite, pas neuve parce que son bois provient d’une vieille maison achetée d’occasion, il me suffira de repenser à elle sous la moustiquaire pour revoir la Tête de la Dame, sa poitrine, ses hanches et son ventre plein d’une progéniture dont la durée de gestation ne se mesure pas en mois mais en millions d’années. Moi, j’aurai séjourné treize ans dans le Diois, dont neuf dans la Vallée de Quint, ce qui n’est pas rien pour quarante-sept années en France. Par coquetterie, je ne dirai pas mon âge.
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Mais, puisque nous sommes dans ces histoires d’enfantement de paysages d’un pays diois qui restera ma dernière terre en France, avant retour au pays natal, je veux faire ici publiquement une demande : envoyez-moi des semences des plantes de par chez vous, des graines de ces beautés qui ne s’en laissent pas conter mais savent séduire autant que se faire respecter, tomates grosses ou allongées, noires, jaunes, roses, rouges, zébrées… courges, courgettes, pâtissons, plantes plantureuses à faire rougir… radis, navets, carottes, racines pas carrées de la cuisine française… épinards, haricots, fèves, les têtes en l’air du jardin… autant de légumes ordinaires qui deviendront exotiques dans mon potager au Laos. Ainsi, j’emporterai un peu de chacun de vous sous les tropiques, et ne manquerai pas de vous envoyer des photographies de vos enfants presque légitimes, nés de liaisons d’anges heureuses. Bien sûr, un jour, vous viendrez les visiter là-bas, et les regarderez pousser en leur donnant des nouvelles du pays diois. Et nous boirons la bière du Laos qui ne sait pas être traîtresse, maîtresse qu’elle est dans l’art de soûler et de faire rêver dans le demi-sommeil, entre deux eaux si j’ose dire. Oui, donnez-moi-z’en de la graine, cinq ou six dans une enveloppe, comme lettre d’amour, à cette adresse : Kiyé Simon Luang / Association Valdequint / 35 rue du village / 26150 St-Julien-en-Quint
Cet article est à paraître bientôt dans le N° 45 de Feuille de Quint
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