Fleur de curcuma
J'ai pour habitude de donner à mes textes des titres décalés, au second degré, si l'on veut, pour attiser la curiosité de mes lectrices et de mes lecteurs. Mais il arrive que l'objet ou sujet traité appelle une littéralité, un premier degré qui n'atténue en rien l'étrangeté du propos. Comme s'il était dans la nature de certaines "choses" d'être exotiques. De sorte que l'essai sur l'exotisme, pour suivre le fil de son développement, n'a d'autre cheminement que la pure description. Ainsi, un texte sur la fleur de curcuma n'a pas à se chercher un titre baroque ou fantastique, c'est déjà en soi une trouvaille, une apparition, une réjouissance. Dire d'abord que le curcuma est une plante, précision utile en ceci que la majorité des humains non Indiens le connaissent seulement comme une poudre... comme les Italiens savent que le lapis lazuli est un pigment bleu issu d'un minéral, et comme les Laotiens ignorent le curcuma en poudre, lui préférant la racine fraîche et la fleur. La plante est de celles qu'on dit exotiques en France, avec ses corollaires urbains : d'appartement, et en pots, forcément. Or, aussi étonnant que cela puisse paraître aux habitants des villes de France, le curcuma ne pousse pas seulement en pots. Il a un feuillage abondant, qui s'organise à la façon des feuilles de bananiers, mais il ne monte pas à quatre mètres en quelques mois et n'a donc pas cet air inachevé et benêt des bananiers. C'est assurément une belle plante qui aime buissonner en groupe, et faire de l'ombre à ses copines. Voyez maintenant la fleur de curcuma. Une splendeur. Elle se vend en ce moment (avril) dans les marchés du Laos. Rare mais facile à repérer grâce à son plumage, perroquet au milieu des pigeons. Fleur de fleuriste chic, non pas artichaut ni chou fleur, même si j'ai déjà vu des fleuristes en France intégrer des mini artichauts ou des mini choux fleurs dans leurs compositions très mimis. En tout cas, puisque que j'ai l'air de moquer ces coquetteries parisiennes, il me faut dire que j'avais la poitrine gonflée de contentement en promenant mes bouquets de fleurs de curcuma à travers le marché de Hua Khua, comme si en achetant des belles fleurs, leur beauté devenait la mienne... Heureusement, mon esprit était déjà en cuisine et je n'eus bientôt d'autre souci que d'inventer une façon de manger cet ingrédient inédit. J'optai pour la simplicité pour faire connaissance. Cuisson vapeur, avec des feuilles et des tiges de courges, et servies froides en vinaigrette pour accompagner du bleu d'Auvergne et du camembert. Le goût immédiatement reconnaissable du curcuma, dans la forme d'une fleur, est à la fois autre et pareil. Non pas du pareil au même, mais d'un pareil à un pareil différent, plus étonnant, avec une vivacité qui réveille les papilles. Enfin, ce goût augmenté du plaisir de manger une fleur se marie joliment au gras du fromage et c'est naturellement que le verre de vin rosé plus froid qu'un verre de rouge dans une pizzeria à Marseille complète le tableau des sensations. Nous verrons une autre fois comment aller plus loin dans la découverte de la fleur de curcuma.
Commentaires
Enregistrer un commentaire