Blue clito rice

Le titre est racoleur mais néanmoins scientifique. En effet, le nom latin de la plante est clitoria ternatea, qu'on appelle familièrement pois bleu ou pois papillon bleu. Plante très commune au Laos, grimpante, elle fait de n'importe quel grillage une jolie partition verticale. Au départ, petite plante frêle, elle s'allonge en des lianes de plus en plus robustes qui tricotent sa généalogie future en un réseau d'une solidité sans failles. Plusieurs lianes parties d'un même tronc commun peuvent s'entortiller les unes aux autres, exactement comme on fabrique une corde avec des fils plus fins. De ce réseau de lianes principales sont lancées dans l'espace des lianes légères munies d'un feuillage gracieux et abondant non par le nombre de feuilles (petites, multiples, composées de cinq folioles) sur chaque branche mais par le nombre de branches qui donnent rapidement un volume massif à l'ensemble, comme la tête d'une dame après la mise en plis. Les fruits sont des gousses de la taille de celles de jeunes pois gourmands, ils sèchent sur les branches et s'ouvrent le moment venu pour disséminer les graines sur le terrain alentour. Mais venons maintenant à la fleur. Trop belle pour se contenter de lieux communs comme délicate, mystèrérieuse, charmante, fatale et autres balivernes... Or, me voilà bien embarrassé pour trouver un vocable approprié. Notons qu'elle est l'origine du nom de la plante, l'origine de son monde en quelque sorte. Et qu'à ce titre, il vaut mieux éviter de la qualifier selon des critères trop humains et masculins. Et s'en tenir à la poésie de la science : "Plante légumineuse dont la corolle a cinq pétales inégaux (sous-famille des Papilionacées)". De là, il est aisé de se représenter ces fleurs comme des nuées de papillons bleus qui volent et virevoltent de jardin en jardin. Avec un je-ne-sais-quoi de mélancolie qui s'attache aux papillons en tant qu'ils sont des apparitions, car il est rare de voir deux fois le même papillon d'un jour à l'autre, voire d'un instant à l'autre. Et la dentelle de leurs ailes laisse dans l'imagination un goût de cendres, et répand dans l'air une poussière d'étoiles. La beauté de la fleur bleue est celle d'une consumation. De là, peut-être, qu'elle est utilisée comme anti-dépresseur. 
On la fait sécher entière au soleil pour en faire une tisane d'un bleu-violet si intense qu'il faut la goûter plusieurs fois avant d'entrer pleinement dans les subtilités de son goût et de son parfum de petits pois fraîchement cueillis. En cuisant le riz avec cette tisane, on obtient le riz du titre de ce texte. Avec ce riz, j'ai envie de pointes d'asperges, d'une pointe de gingembre, de petits pois primeurs, de fèves dérobées, et de langues d'oursins.

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