Le rendez-vous des bois.
J'avais rendez-vous aujourd'hui avec les chanterelles, je ne voulais pas arriver en retard, comme l'année passée - il est vrai que je venais d'emménager dans mon nouveau village, à flanc de montagne : le temps de trouver les coins à champignons et novembre était bien avancé. Cette fois, j'avais l'avantage de connaître le terrain, et celui d'être un habitant du lieu. Cela fait la différence entre la cueillette prospective et la récolte en temps et en heure.
J'ai trouvé les bolets en chemin, ceux-ci sont de l'espèce dite jaune des pins, c'est en tout cas ce qui me semble. Ils poussent à découvert, au grand air, en abondance, raison pour laquelle ils sont peu prisés. Car on aime autant le champignon que sa quête, ce qui est faire peu de cas d'espèces très respectables pour leur qualités gustatives. Enfin, personnellement, je suis fort attaché à ces champignons qui me souhaitent la bienvenue dans la forêt et m'offrent le plaisir de ne pas revenir bredouille.
Les petits gris, comme beaucoup de champignons, portent bien leur nom. Ils sont gris velouté, soyeux, le pied élancé, le chapeau bombé en bouton de guêtre, camouflés du seul fait de n'être ni blancs, ni jaune ocre comme la plupart des autres champignons. Ceux du jour se présentent en groupe unique d'une dizaine d'unités, immédiatement reconnaissables, malgré que la dernière fois que j'en ai cueillis remonte à quelques trois années en arrière.
Les lactaires, délicieux (orange vif) et sanguins (marbre gris rose) aiment le voisinage des pins mais se rencontrent sous les feuillus minoritaires qui poussent au milieu des pins. Ils ont la qualité de ne pouvoir être confondus avec d'autres, et celle d'être beaux, et celle d'être faciles à trouver. Ils bombent du chapeau, ont bon pied, mais sont souvent véreux, colosses au pied d'argile. Sanguin est délicieux tandis que délicieux est moins affable. En cuisine, il faut les débarrasser de leur eau, à feu vif, avant de les cuisiner avec vigueur (vinaigre, vin, échalotes, ail... et même pousser le bouchon jusqu'au nioc mam !). Ce sont des durs à cuire, même après vingt minutes de fournaise, il se trouve des morceaux qui sont crus !
Pour ceux qui ont l’œil, il y a dans ma composition deux petits pieds de mouton, de la taille d'un ongle du petit doigt. On dirait deux bouts de pastel sec. On les voit de loin, et dans l'éloignement on a immédiatement dans l’œil la douceur de leur surface, le curry de leur jaune, leur poussin inimitable. J'ai cueilli ceux-ci, minuscules, parce que ce sont les premiers de la saison, et parce que si j'attendais deux semaines, je suis certain de ne jamais les retrouver.
Enfin, les chanterelles, de l'espèce dite "tube", craterellus tubaeformis. Dans le Diois, on les appelle "craterelles". Elles poussent en ronds de sorcières, délicatement posées sur des tapis de mousse, sur les versants nord des forêts d'épineux. Celles d'aujourd'hui étaient cachées sous des hautes herbes, impossible de les voir de loin. Chaque individu doit être débusqué, mais une fois repéré, il dénonce la présence de tous les autres. De toutes les cueillettes, c'est la plus plaisante. Le jaune confine à l'orange, le pied est un tube tortueux, les lamelles sont des plis, le chapeau est porté haut. En cuisine, c'est juste un régal par son parfum, son goût et sa mâche.
Commentaires
Enregistrer un commentaire