Ko Viseth, la voix des camps


Il circule sur les forums laotiens de la diaspora une vidéo montrant une apparition de Ko Viseth à Orléans en novembre 2006 à l'occasion d'une fête laotienne. La plupart des personnes présentes dans le public ont séjourné dans les camps de réfugiés en Thaïlande. Je sais ce qu'a pu représenter pour elles l'apparition de l'idole de leur jeunesse sur un podium improvisé, décoré comme pour une kermesse d'école. Monsieur Ko Viseth n'avait rien perdu de sa voix, mais en guise de musiciens, on avait envoyé un CD, avec saxophone et métallophone de synthétiseur, boîte à rythme, ou bien était-ce un musicien hors cadre qui faisait seul tout ce qu'on peut faire avec un clavier électronique. Nous sommes loin de la finesse des orchestrations de ses album gravés sur vinyle, c'est filmé avec un appareil photo bas de gamme, sans se lever de sa chaise, avec un gros coup de zoom pour "s'approcher" du chanteur, mais cela n'a pas grande importance au regard de l'émotion du moment.


Je dois beaucoup à Ko Viseth d'avoir gardé des camps de réfugiés en Thaïlande des souvenirs empreints de douceur. Ses chansons rythmaient nos journées, maintenaient en vie le lien sentimental au Laos que nous venions de quitter, et leur mélancolie atténuait notre angoisse face aux incertitudes de l'avenir. En débarquant dans ma famille d'accueil en septembre 1976, en Bourgogne, j'avais dans mes bagages une cassette de lui qui m'a suivi longtemps avant de disparaître entre deux déménagements. Trente-neuf ans plus tard, en entendant de nouveau sa voix au hasard d'une recherche sur internet, je l'ai reconnue immédiatement comme celle des camps en Thaïlande, et les souvenirs ont affleuré avec la force d'une hallucination. J'étais de nouveau un enfant de dix ans, insouciant et joyeux, pour qui la vie recluse dans un camp de réfugiés avait le parfum de l'aventure quand pour les adultes elle marquait un tournant dramatique. En fin de journée, pendant les promenades autour du camp, les chansons de Ko Viseth jouées par un petit magnétophone à K7 donnaient la mesure de nos pas. Le soir, nous nous réunissions autour du même magnétophone comme autour d'un feu de bois pour entonner en chœur ses chansons jusque tard dans la nuit.


La chanson la plus connue de Ko Viseth, Tai Dam Lum Pham, raconte la peine du peuple Tai Dam d'avoir été arraché à sa terre et dispersé à travers le monde par la guerre d'Indochine. Elle évoque les quinze années qui ont suivi Dien Bien Phu, ce qui la date précisément de 1968. C'est un tube au sens laotien : cinquante ans après, on la chante encore dans toutes les ethnies au Laos et en Thaïlande, et à travers le monde.

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