Oncle Souck / Souvanlay Phetchanpheng

Boudhha couché / Wat Xieng Thong / © Vincent Leroux       

Oncle Souck / Souvanlay Phetchanpheng





              
Le Bouddha couché est certainement l'un des préférés des Laotiens et, de ce fait, l'un des plus représentés. On en trouve de toutes tailles, de quelques centimètres à plusieurs dizaines de mètres. Je ne maîtrise pas assez le sujet pour aller plus avant dans l'analyse symbolique et culturelle de cette préférence, je perçois néanmoins qu'elle colle intimement à la mentalité du peuple lao. Et je ne suis pas étonné par le tollé général qui s'est levé contre le projet de construction d'un Bouddha debout de 100 m dans la Specific Economic Zone de That Luang, à Vientiane (une concession d'exploitation accordée à la Chine). Pourtant, les Laotiens aiment bien ce qui est spectaculaire et flashy. Il faut donc croire que le sujet touche à une limite qu'il ne faut pas franchir. Certes, des bouddhas debout de 15 mètres sont de plus en plus nombreux — trop, dirais-je —, et si le Golden Bouddha de Paksé en impose, c'est par son emplacement sur une colline qui offre une vue imprenable sur le Mékong, le pont japonais et la ville. Enfin et surtout, il est assis en tailleur... 

Une des conséquences de l'attachement des Laotiens pour le Bouddha couché est qu'il ne faut jamais, en leur compagnie, s'asseoir sur un coussin. Car le coussin, c'est pour la tête. Pour poser votre postérieur, vous avez tout ce qu'il faut en matelas, en tabourets minuscules à glisser entre le plancher et votre séant, en chaises, en fauteuils, en canapé, etc. Cela dénote combien la mémoire du Bouddha couché est ancrée dans l'imaginaire des Laotiens et donne une valeur symbolique à un objet aussi quotidien que le coussin. En outre, il est tout à fait admis de s'allonger (à condition de ne pas diriger vos pieds vers une personne) et de dormir lorsque vous êtes invité chez des gens. J'ai usé de cette convention sociale plus d'une fois, encouragé il est vrai par le fait que, très vite, tout le monde autour de moi s'est couché sur le flanc, la tête calée dans le creux de la main ou dans le creux d'un coussin, l'autre main posée sur la hanche. Et les heures peuvent s'écouler ainsi dans un abandon absolu au plaisir d'être ensemble à parler de tout et de rien. 

Alors quand j'ai écrit le personnage du Français agité, grande gueule et buté, centré sur son propre pathos (il s'agit d'une proposition de comédie, et d'une autodérision envers moi-même puisque je suis invariablement, pour ma famille laotienne, le Falang, c'est à dire le Français), c'est naturellement que j'ai mis en face de lui Oncle Souck et Tante Laa, deux personnes âgées devant qui le Français doit le respect de faire l'effort de se calmer parce qu'il et elle sont ses aînés. Le ressort comique vient de ce que le Français ne connaît pas le calme... Dans la première photo du film, Oncle Souck (nom qui signifie Oncle Chance) forme le jeune Toui à devenir un bon marin. Il le fait à l'oreille, dans son demi-sommeil, en écoutant le bruit du moteur et celui des vagues contre le flanc du bateau. Dans la deuxième photo, le Français a beaucoup à dire, tandis qu'Oncle Souck a beaucoup à dormir... En sombrant à son tour dans le sommeil, aidé par la bière lao, le Français entrevoit le chemin de l'apaisement. Le personnage d'Oncle Souck est merveilleusement servi par le jeu plein de malice de Souvanlay Phetchanpheng. Avec Marc Barbé, ils ont formé un duo de vieux briscards !

 Souvanlay Phetchanpheng et Marc Barbé / Goodbye Mister Wong

                                             




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