Le temps du sommeil


L'enfant dormait quand l'auto-stoppeuse était montée dans la voiture. Il était aux environs de 17 heures, j'avais du temps, celui du sommeil de l'enfant, celui d'une journée qui s'étirait et celui d'une route qui semblait tracée pour les road movies. Ma passagère se rendait dans un village perché sur les hauteurs du Diois oriental, loin du dernier grand bourg, à l'écart de la route principale. J'avais toujours avec moi mon appareil Pentax 6x7 pour photographier les cimetières protestants, sujet qui m'occupait alors. Je lui demandai s'il y avait des cimetières protestants dans son village. Elle dit que oui, elle me donna même les noms des familles concernées. Quinze minutes plus tard, je la déposai sur la place de son village. Elle prit le temps de m'indiquer le chemin qui menait au cimetière protestant. Puis elle disparut.

Je roulais lentement sur le chemin de terre bordé de haies. L'enfant fut très étonné de se réveiller dans un lieu qu'il ne connaissait pas. J'ai garé la voiture devant l'entrée d'un champ, nous avons marché jusqu'au cimetière. Il était abrité par des grands arbres qui lui donnaient une ambiance de jardin anglais. J'ai cherché plusieurs points de vue pour prendre les photographies. Voyant l'enfant jouer à faire des bulles de savon, j'eus envie de le photographier. C'était une fin de bobine, comme en atteste la brûlure du bord gauche. C'était l'été.

Deux ans plus tard, j'ai un souvenir précis du visage de l'auto-stoppeuse, qui ne me serait pourtant d'aucune aide pour la reconnaître. Cette phrase n'a de sens que si vous deviez l'appliquer au personnage d'une fiction.

Je ne suis jamais retourné faire les photographies que je n'ai pas faites du cimetière protestant.


Commentaires

Articles les plus consultés