Voyage du demi-sommeil


Le bébé de Papao a maintenant ou aura bientôt trois ans. Ce jour-là, on avait vidé deux bassins avant d'attraper les poissons dans la vase, à la main. Une partie de cette pêche miraculeuse avait servi pour le pique-nique qui a suivi. Comme les Laotiens ne rigolent pas avec les chansons, c'est un énorme haut-parleur embarqué dans la benne du camion qui envoyait la sono. On pouvait nous entendre à un kilomètre de là. Il faisait si chaud qu'aucun Français n'aurait trouvé à redire pour ce qui est de boire la bière avec des glaçons. Chacun à tour de rôle s'écroulait sur une natte en plastique tressé, et dormait dans les stridences des conversations et les saturations de la musique. Le demi-sommeil était l'état naturel dans lequel on aimait rester, et les yeux entrouverts on participait à ce qui se disait autour sans se préoccuper de savoir si notre contribution était pertinente ou non. Il importait seulement d'être là et de profiter du moment. Aux amis qui me demandent s'il y a des choses à faire au Laos, j'ai coutume de répondre qu'il n'y a rien à faire. Sinon laisser faire les circonstances qui ne manquent jamais de nous surprendre. A condition de ne rien vouloir faire absolument. Comme par exemple aller à Luang Prabang. Non que ce trésor de l'humanité, patrimoine mondial de l'Unesco, etc. ne vaille le détour. Il faudrait justement rétablir l'idée de détour pour y aller, par hasard ou accident, préférant l'ancienne route au lieu de la nouvelle autoroute, au lieu du tgv chinois flambant neuf, au lieu de l'avion... et, après des jours de voyage au rythme du Laos rural, celui de la splendeur des paysages qui laisse sans voix, une fois rendu sur place, éviter le centre touristique pour explorer les villages alentour. Et se perdre de nouveau.
 

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