Je vois la mer
L'appel du paysage est irrésistible, il m'arrache au travail en cours d'autant plus facilement que je le vois au-dessus de l'écran de mon ordinateur, par ma fenêtre. Aujourd'hui, je prends le prétexte d'aller cueillir les petits gris, ce sont des champignons, ils poussent en abondance dans le Diois, ils sont gris souris, ont de la souris le velours et une brillance du poil reconnaissable. On les trouve à découvert en lisière des bois de pins, pas loin des bouses de vaches. Dans ma petite vallée, tous les terrains à champignons ont une pente forte car les terrains plats sont cultivés, et ceux dont la pente est douce sont également cultivés. Alors, quand je prends la photo, j'ai le souffle court, il m'a fallu monter là-haut. Je le dis souvent, quand on me demande si je fais du sport, je réponds oui, je vais aux champignons. Les gens mettent ça sur le compte de ma fantaisie alors que la fantaisie est le nom que je donne au mot sérieux. Ce n'est pas grave, moi qui suis né à onze mille kilomètres d'ici, je ne vais pas apprendre aux Français à quel point leur langue est primitive et archaïque. En cela infiniment belle. Venez donc cueillir des champignons avec moi dans les pentes qui bordent ma vallée, vous comprendrez le sens du mot sport. Mais c'est plus que du sport. Chaque fois que je vais aux champignons, je m'imagine en Pétrarque dans son ascension du Mont Ventoux. De là-haut, il affirmait qu'on pouvait voir la mer. De chez moi, aussi loin que je peux porter mon regard depuis une hauteur, j'ai moins de chance de voir la mer que de voir le Mont Blanc. Pourtant, ne pourrait-on pas dire que le mot mer est une manière de désigner la beauté d'un paysage ? Dans ce cas, oui, on peut dire que de ma vallée on voit la mer.
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