La terre rouge de l'enfance

Mon père était le seul membre de ma famille restée au Laos qui parlait et écrivait français. Il avait un fort accent qui donnait d'autant plus de relief à la richesse de son vocabulaire et à une syntaxe irréprochable. Après mon premier retour en 1991, j'avais pris l'habitude de lui écrire des lettres dans lesquelles je lui décrivais le décor de ma vie française, à Paris, ainsi que ses menus événements. Pour ce faire, je prenais grand soin d'être précis dans mes récits afin de faciliter son travail d'imagination, car tout de ce que je lui racontais devait lui sembler exotique. S'il était encore en vie, que lui dirais-je de cette forêt de sapins enflammée par la lumière du couchant ? Il faudrait trouver un équivalent à l'odeur des aiguilles tombées sur le sol, aux craquements qu'elles produisent sous le pas... A la façon dont cette énorme masse végétale amplifie les sons internes de notre respiration et de nos battements de cœur. Toutefois, cela dure moins de cinq minutes, le rougeoiement du soleil donne furtivement à la terre d'ici la couleur de là-bas : terre rouge de l'enfance.

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