Vertige des comptes au bonheur des contes

Ma banque me propose de participer à un tirage au sort et me donne à choisir entre une voiture et 30 000€. Que faire ?
Si je n'étais pas l'heureuse élue, je pourrais toutefois devenir l'une des cent personnes susceptibles de recevoir un iPod. (J'ai évité la marque de la première alouette et soudain je m'interroge sur l'existence d'un nom commun pour désigner cet objet de la taille d'un miroir de poche dont j'ignore d'ailleurs l'usage exact)
Jusqu'à ce jour je vivais dans la certitude que j'allais prochainement acheter une voiture d'occasion puisque j'apprends tardivement à conduire, pour aller de ci delà.
Ma banque me déstabilise dans mes certitudes.
La voiture était un mal nécessaire pour récupérer une autonomie égarée, imaginer une suite à mon existence en reconversion, trouver peut-être un travail passionnant et rémunérateur pour subsister jusqu'à la saison nouvelle.
30 000€ règlent tout en douceur. Et l'auto et quelques saisons encore.
Ainsi renonçant à gérer ma vie je pourrais m'en remettre au sort, consulter les oracles, tenter d'attirer l'attention des fées. Qui sait finalement s'il n'est pas écrit quelque part que je serai chanceuse. Savoir à quoi m'en tenir m'aiderait à tromper l'attente, vertigineuse.
La tentation du retour à ces temps anciens où le cours de nos vies nous échappait car il était entre les mains des dieux, est grande. Il suffisait d'influer tant bien que mal sur les détails mais l'idée générale, quoi qu'on fît, nous échappait : Orphée finissait quand même par se retourner, Œdipe par réaliser ses malédictions en cascade. Eventuellement riche en péripéties, la vie toute tracée était simple.
Et cela est tentant ?
Mais bien sûr ! La Belle au Bois Dormant a trouvé un Prince sans trop de fatigue, J. pourrait trouver une voiture et la vie qui va avec pour le prix d'un timbre...
Au lieu de quoi l'idée de destin et ses délices, cultivée pourtant depuis l'enfance, a cédé chez moi le pas à un existentialisme aride et son cortège de choix où va se nicher la liberté.
Mais heureusement il reste les contes.

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